MS2201 - Salaire minimum à 15 $ au Québec ? Enjeux socioéconomiques et obstacles à l’action collective : un bilan critique
Collection
Mouvements sociaux
Année
2022
Numéro
MS2201
Auteur
Sous la direction de
Sid Ahmed Soussi et Maxime Thibault-Leblanc, UQAM. Avec la collaboration de Mélanie Gauvin
Édition
Centre de recherche sur les innovations sociales
Résumé
Qu’en est-il du salaire minimum aujourd’hui et de la revendication d’une hausse à 15 $ ? Où en sont les campagnes menées au Québec par les organisations syndicales, les groupes d’action communautaire et les autres regroupements engagés sur ces enjeux ? Ce seuil de 15 $, devenu un objectif symbolique en Amérique du Nord, suscite des clivages tendus et plusieurs constats montrent que ces campagnes se heurtent non seulement à des résistances de la part des organisations patronales — leurs « adversaires naturels » — et du gouvernement, mais aussi, paradoxalement, à des réticences au sein même des effectifs des organisations syndicales et des groupes d’action communautaire, ainsi que dans des milieux du travail à bas salaires et non syndiqués.
Ce rapport livre les résultats d’une recherche, sur ces questions, conjuguant deux volets. Le premier mobilise d’une part, une étude documentaire des enjeux et des impacts appréhendés d’un salaire minimum à 15 $ et d’autre part, une analyse comparative critique des « campagnes pour le 15 $ » aux États-Unis et au Canada avec celles menées au Québec afin de mettre en contexte le deuxième volet : une enquête de terrain. Cette dernière vise à identifier les facteurs à la base de ces réticences, sur deux niveaux : d’abord, es groupes et profils de travailleur-euse-s chez qui elles se manifestent et les profils de travailleur-euse-s où elles se manifestent afin d’en déterminer la nature ; ensuite, les structures mêmes des organisations syndicales et des groupes communautaires pour caractériser les obstacles endogènes auxquels ces campagnes font parfois face.
Cette recherche partenariale et qualitative mobilise des phases d’observation directe et participante ainsi que des entretiens individuels et de groupe auprès d’organisations syndicales, de groupes communautaires et de travailleur-euse-s directement concerné-e-s par cette hausse du salaire minimum. Ses deux objectifs sont, premièrement d’étudier les impacts qualitatifs d’une telle hausse sur les travailleur-euse-s dont la rémunération est comprise entre 15 $ et 19 $/h – une catégorie où se manifestent justement une partie des réticences observées (travailleur-euse-s syndiqués, indépendants, en PME, immigrants, etc.) – deuxièmement d’analyser les interactions entre les organisations syndicales et non syndicales (groupes communautaires et autres) sur ces enjeux, dans le contexte des différentes campagnes menées en coalition ou séparément.
Certains résultats montrent que la cohésion de ces campagnes paraît fragilisée par deux types d’obstacles. Le premier porte, d’une part, sur les interactions intrasyndicales entre centrales, syndicats affiliés et syndicats locaux et d’autre part, sur les relations entre les groupes communautaires représentant des catégories diverses : professionnelles, communautaires, travailleur-se-s non-syndiqué-e-s, femmes, immigrants, etc. Le deuxième type d’obstacles concerne les relations externes : d’abord, « l’alliance naturelle » censée renforcer la collaboration entre organisations syndicales et groupes communautaires se heurte à des obstacles allant de l’initiative de « faire cavalier seul » de certains acteurs, aux dissidences à des moments décisifs de la campagne ; il y a ensuite les relations extérieures, problématiques ou lacunaires, entretenues — ou non — par les organisations syndicales et les groupes communautaires avec les autres acteurs de la société civile : les organisations patronales, les médias et, surtout… avec l’État.