Balado
Épisode 5 | Les voix(es) citoyennes de l’innovation sociale
Nous voici arrivé.e.s à la dernière étape de notre enquête citoyenne. Au départ, nous nous sommes demandé·es si l’innovation sociale était une idée prometteuse ou un buzzword à éviter? Pour répondre à cette question, l’épisode tente de définir les caractéristiques de l’innovation sociale citoyenne. Car, comme nous l’avons vu, le sens que nous donnons à l’innovation sociale influence sa pratique, tout comme notre propre engagement citoyen influence notre vision de la transformation sociale. Il existe donc différentes conceptions de l’innovation sociale. L’objectif de cette série de balados était justement de donner voix aux perceptions et conceptions de l’innovation sociale citoyenne.
Notre parcours nous a amenés à rencontrer quatre initiatives citoyennes qui luttent contre des projets de développement qui ne correspondent pas aux aspirations collectives, mais aussi créent et expérimentent, incarnent des histoires collectives qui portent leurs idéaux. Ces projets citoyens sont avant tout des mouvements sociaux enracinés dans un territoire et une histoire collective. Mais quelle est la différence entre mouvement social et innovation sociale?
Pour Anne-Marie, les mouvements comme Grand Dialogue effectuent un travail souterrain, préparent un terreau fertile aux innovations en changeant les mentalités. Les innovations sociales sont alors des projets concrets qui germent à même ces mouvements.
Innover socialement c’est donc « essayer de mettre ensemble des affaires qu’on ne mettrait pas ensemble » intuitivement, selon Catherine. Il y a donc une dimension ludique, expérimentale, émergente et non linéaire à l’innovation sociale. Mais aussi, une dimension concrète et tangible – il s’agit d’organisations, de projets, de narratifs collectifs, d’inventions, de pratiques, etc.
Pour les citoyens et citoyennes rencontré·es, l’innovation sociale est aussi collective et participative. Cela demande de prendre le temps, développer le pouvoir d’agir des personnes participantes, les habiliter pour qu’elles participent aux décisions collectives. Cependant, les dimensions collective et participative posent des défis d’organisation. Comment mettre en œuvre un projet commun si différentes perspectives s’affrontent?
Cette question a particulièrement préoccupé les participants et participantes de l’atelier de Montréal. La tournée de Perspectives et Dialogue s’est conclue lors de l’École d’été organisée par l’Institut Nouveau Monde. Cette école, qui se tient annuellement, a pour objectif de stimuler l’engagement citoyen des jeunes de 18 à 35 ans en organisant différents parcours, conférences et ateliers qui amènent les personnes participantes à expérimenter différentes postures de l’engagement citoyen. À Montréal, se rencontraient pour la première fois de jeunes qui venaient de différentes régions du Québec et s’intéressaient à la transition socio-écologique.
Parler d’innovation sociale dans un contexte de transition socio-écologique a rapidement mis au centre de la discussion le sentiment d’écoanxiété. L’écoanxiété est, selon Tel-Jeunes, une crainte importante et une appréhension des changements environnementaux perçus comme irréversibles. Un sentiment grandissant, partagé par plusieurs, face à l’urgence climatique. Pour ces jeunes, il y a un paradoxe : d’une part, on souhaite une transition inclusive et démocratique et de l’autre, nous faisons face à cette urgence d’agir qui s’accentue avec le statu quo maintenu par certains acteurs en position de pouvoir. Comment alors concilier cette dimension participative et démocratique, à celle de l’urgence, du fait que les choses doivent justement avancer rapidement et se concrétiser?
Face à l’urgence, une tension émerge entre le travail bénévole et professionnel. En effet, le fait d’avoir un.e employé.e permet de faire avancer plus rapidement les projets, de pérenniser et structurer le projet en ne faisant pas tout reposer sur les épaules des bénévoles. Toutefois, cette professionnalisation peut aussi mettre à risque la place des citoyens et citoyennes au sein de l’initiative.
Finalement, n’y a-t-il pas une question d’échelle, se demande Nancy? L’innovation sociale citoyenne n’a-t-elle pas sa place dans les périphéries, des petites cellules qui transforment leur monde à leur niveau? Plusieurs questions restent sans réponse. Mais nous pouvons nous entendre sur le fait que l’innovation sociale citoyenne part sur les expériences vécues, que ce soit une maladie, une situation d’exclusion, une indignation et qui se traduit dans un engagement collectif à changer les choses, un engagement qui amène du sens à nos actions.
Les cas que nous avons vus nous montrent bien que le caractère innovant ne se trouve pas nécessairement dans la « réponse » ou le « projet » en soi – plusieurs initiatives ne sont pas inédites et s’inspirent d’autres cas. Toutefois, c’est dans le processus, le fait de créer quelque chose de réel, de mettre en œuvre, d’assembler, d’expérimenter que se trouve l’originalité des projets que nous avons visités.
Pour l’innovation sociale citoyenne, le processus est peut-être plus important que le résultat. S’intéresser à l’innovation sociale citoyenne s’est donc s’intéresser à ces différentes pratiques, ces processus, ces façons de faire que mobilisent les initiatives collectives qui sont partout sur le territoire québécois et ailleurs.
C’est réfléchir à comment nos pratiques peuvent être inclusives, démocratiques, donner une voix aux personnes marginalisées, aux personnes qui vivent les expériences et ainsi arriver à créer un projet collectif qui les rassemble.
Ce processus n’est pas sans défi, mais est définitivement porteur de changement et mérite qu’on lui porte une attention particulière. C’est ce que nous avons tenté de faire avec ce balado, en donnant une voix aux personnes qui s’engagent dans des projets qui les dépassent.
Retournons à notre question de départ, l’innovation sociale est-elle une idée prometteuse ou un buzzword à éviter? Peut-être la réponse se trouve entre les deux? Il faut être critique et regarder ce qui se cache derrière son utilisation, c’est-à-dire comment on le définit, comment on le met en pratique. Surtout dans un contexte où celui-ci gagne en popularité.
Parler d’innovation sociale ouvre la porte sur les processus de la transformation sociale. Une partie des réponses à nos questions se trouve à même le chemin que l’on parcourt et peuvent évoluer au fil du temps. Le projet Perspectives et Dialogue a pour objectif de nous inviter à entamer cette réflexion en croisant justement les perspectives et en ouvrant le dialogue.
Ressources et références
L’écoanxiété (Tel-jeunes)
L’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde (Montréal, Canada)
Baobab, café de quartier (Sherbrooke, Canada)
Table citoyenne Littoral Est (Québec, Canada)
Grand Dialogue régional pour la transition du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Alma, Québec)
CRÉDITS: Perspectives et Dialogue en innovation sociale est une baladodiffusion dirigée par Marc D. Lachapelle. Merci aux personnes citoyennes et aux initiatives visitées lors des ateliers au Café Baobab, au Grand Dialogue régional pour la transition du Saguenay-Lac-St-Jean, à la Table citoyenne Littoral Est et à l’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde.
ÉQUIPE DE PERSPECTIVES ET DIALOGUE: Marc D. Lachapelle (doctorant, UQAM et instigateur du projet), Marie Beigas (étudiante à la maîtrise, UQAM), Catherine Boily (étudiante à la maîtrise, UQAM) et François Gélinas (étudiant à la maîtrise, UQAM), Jade St-Georges (doctorante, U. Laval), avec le précieux soutien de Mélanie Claude (coordonnatrice scientifique et communication, CRISES).
NARRATION: Marc D. Lachapelle, Marie Beigas et Catherine Boily.
RÉALISATION: Contenubalado.com
DATE DE DIFFUSION: mars 2023
Ce projet est soutenu financièrement par le programme DIALOGUE – volet relève étudiante des Fonds de recherche du Québec de même que par le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et de son réseau étudiant (RéCRISES).